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Yachting Classique - Griffon 2006
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12 février 2011

WET and SEA

 

tee_shirt_mouill_Contrairement à ce qui se dit, l’expression « Wait and See » n’est pas à l’origine un éloge de la procrastination.

C’est en réalité la déformation, au fil du temps, d’une vieille expression Galloise, utilisée par les naufrageurs des Iles Scilly.

Le Captain Bioman of Griffon, taxinomiste et philologue halieutique, nous en rappelle l’étonnante histoire.

 

 

C’était dans la toute dernière partie du XVIIIème siècle, avant la vapeur, à un moment où la main de l’homme peinait  sur le bois mort plus souvent qu’à son tour, et où le pied marin valait encore quelque chose.

 

Dans ces temps pas si lointain si on y pense, pas beaucoup plus en tout cas qu’une dizaine de générations, les habitants des Isles Scilly vivaient encore volontiers des naufrages, spontanés ou provoqués, qui ont toujours fait l’agrément du coin et servi à meubler les bars et les masures locales.

 

(Voir à ce sujet le courant passer entre Guch et St Mary un jour de grand coeff., pour comprendre la misère locale et les angoisses. Et pour se demander si la pétanque en salle n’est pas finalement un sport assez attractif ?)

 

Il faut dire que naviguer dans ces coins mal famés, sauf masochisme avéré, ne peut venir que d’une erreur de route, ou alors d’une urgence de type hydro-maltoïde, le fameux pub Mermaid étant déjà ouvert à cette époque à St Mary.

 

Bien que très entraînés à leur rude vie de pêcheurs, les îliens de l’époque goûtaient  avec délice les rares journées moins brumeuses que le ciel leur offrait de temps à autre. Pas plus qu’en fois ou deux l’an, il faut bien le dire.

Le reste du temps, la laine mouillée leur grattait le dos et la botte de cuir huilé leur créaient des cors au pied et des rhumatismes de belle facture. (quoique gratuits)

 

C’est dans ce contexte climatique et culturel qu’est née bien entendu l’expression la plus populaire du pays : « Alors, wet at sea » ? (qui signifie, en gros : « alors , tu t’es encore fait rincé ?! », ce qui est un peu l’équivalent pour un marin local du fameux « Salut mon copeau » pour un menuisier.

On voit la finesse.

 

C’est en tous cas comme ça que les femmes de pêcheurs, rudes matrones aux mains calleuses, accueillaient, sans la moindre dérision, leur mari trempé au retour de journées de pêche hasardeuses et peu productives.

 

Pour se retrouver dans l’ambiance de l’époque, il faut imaginer que le « Wet at Sea ? » ne se pose qu’en hochant la tête sous  la coiffe cornique, ce qui est du plus bel effet. (Moins cependant que l’ondulation rythmée de la coiffe bretonne, liée à la fracture congénitale de la hanche, certes, mais tout de même).

Une façon de se dire bonsoir, en quelque sorte, mais avec cet humour rugueux qui fait encore aujourd’hui la joie des grands et des petits dans cet archipel qui manque cruellement , surtout à l’époque, de réjouissances plus spectaculaires.

 

Il est vrai qu’on n’avait pas encore inventé la course de Cornish Gigs du mercredi soir, réservée aux filles, où les descendantes des matrones susdites, calibrées comme des lutteurs de foire,  hurlant dans un sabir local , propulsent à des vitesses inouïes  des sortes de doris armés en pointe. On s’amuse avec ce qu’on trouve et comme disait le Géographe : c’est le terrain qui crée la culture

 

Bref, je vous l’a fais courte. (dommage, certes,  pour une publication scientifique de haute tenue. Mais Payen, le mari de la reine de Saba, ne plaisante pas avec le nombre de signes dans la présente revue du YCC).

 

Au printemps 1797, la date est attestée, un dénommé Jack Philwave, un brave gars de Tresco, s’embarque pour traverser le petit bras de mer qui sépare son île de St Mary, la capitale des Scilly, deux miles à peine, mais en plein courant.

 

Le garçon est costaud, mais la mer est cruelle.

Et le courant traversier.

On devine ce qui va arriver : Jack, pourtant un vrai costaud, se laisse embarquer et dérive sur son bâbord, direction l’Isle St Martin, qui a son attrait, certes, mais sur laquelle il n’y a pas le moindre pub pour réchauffer le marin.

 

Depuis St Mary, on surveille la scène, accoudé au bar du Mermaid, op cit.

Et on commence les paris. Y arrivera ? N’y arrivera pas ?

 

Les enchères montent : une Pinte de Guiness si il arrive avant la fermeture. Pari tenu !

Et Jo le ferronnier, deux cent vingt livres de muscle et une cervelle de colibri, n’est pas le dernier à relancer.

 

Jack Philwave ne sait rien de tout ça.

Les mains bleuies de froid, il souque comme un damné pour lutter contre le courant et arriver avant la fermeture.

 

Les minutes passent. Par dizaine.

Mais, c’est bien connu, on ne plaisante pas avec les horaires de fermeture dans les pubs de sa Gracieuse Majesté.

 

« Allez on va fermer ! crie le patron. Et une pinte pour le gros Jo, qui a gagné son pari ! »

 

Jo se retourne.

Pour vérifier qu’il peut boire sa Pinte en toute tranquillité.

Mais c’est quoi, ce Gig, qui descend le chenal ?

 

« Wait and see !» dit il en rigolant : Jack est malin. Le courant inversé l’emmène sur nous comme un fou de Bassan en plein piqué »

 

Et c’est vrai.

Jack Phiwave n’est pas un perdreau de l’année (là bas on dit « un Cormoran sorti du nid ». Mais c’est pareil. )

Il connaît ses courants et il vit avec une horloge à marée dans la tête, comme tous ceux qui préfèrent rentrer avant la nuit et limiter les courbatures.

 

Il est allé chercher la renverse tout près de St Martin et redescend le chenal à toute vitesse, « jus dans la raie » comme dit élégamment un gentleman de mes amis.

 

 

Encore quelques minutes et Jack Philwave saute à terre,  juste avant que sonne la cloche.

Jo le ferronnier n’a plus qu’à rendre sa pinte.

 

Entrée triomphale du héros du jour, trempé, fourbu,  mais rigolard.

« Wet at sea » ? l’accueille Jo , content de son astuce.

 

Et c’est ainsi qu’évolue le langage dans le monde maritime.

 

Voilà pourquoi, en éloge aux rudes marins de ce temps, les amateurs d’eau pétillante et de courant alternatif sont aujourd’hui réunis au sein de l’association « Wet and Sea », qui regroupe tous ceux qui fréquentent ces parages incertains, ces eaux rudes mais lumineuses, et ces pubs merveilleux.

 

Inscrivez vous !

 

Captain Bioman of Griffon.

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Commentaires
P
... qui humâtes goulument le parfum d'encre et de papier de la revue du YCC, avez-vous jugé que cette année, son humble rédac'chef moins anonyme que bénévole a prévu l'espace idoine pour insérer sans castration aucune la totalité de cette merveilleuse copy à l'humour désopilant & ravageur intitulée wet & sea - A bientôt. Le bras de spi (était-ce l'écoute?) utilisé comme aussière a bien été reposé sur le pont de Griffon à Vannes au petit matin. Bises
P
... ce texte a été HT/VENDU à la revue YCC! <br /> Amitiés Captain
Yachting Classique - Griffon 2006
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